Les Piles intermédiaires

Le quotidien bordélique d'une traductrice à l'assaut des idées reçues. (Et des portes ouvertes, aussi, parfois.)

They wouldn’t believe me

Il fut un temps, lecteur indigné de ce blog, où ta blogueuse dévouée était mortifiée, disons-le sans ambages.

Oui oui, car il fut un temps où quand je parlais de mon métier à des non-traducteurs de l’audiovisuel, je devais définir ce qu’était le voice-over. Je commençais par m’excuser platement d’utiliser un anglicisme aussi moche (les Québécois parlent de « surimpression vocale », je ne suis pas sûre que ce soit tellement mieux), puis j’expliquais laborieusement que c’était un mode de traduction/adaptation qui consistait à placer une voix française par-dessus la voix d’origine dans les documentaires.

Je précisais bien « dans les documentaires », hein. Mais parfois j’ajoutais « dans les documentaires, en tout cas en France« , ce qui pouvait entraîner d’autres questions, pour peu que l’interlocuteur en question m’écoute soit un peu curieux : ah bon ? parce qu’on utilise le voice-over pour autre chose que des documentaires, ailleurs ?

Si vous saviez, ma bonne dame, me disais-je alors in petto.

Et il fut un temps, donc, où j’enchaînais sur un savant développement dans lequel il était question de films doublés en voice-over dans les pays de l’Est, ce qui me permettait d’évoquer cette expérience inoubliable, en 1997 à Saint-Pétersbourg, où j’avais vu en compagnie de ma correspondante russe un film avec Mel Gibson (La Rançon, peut-être ?) en « VOVOR », en somme, c’est à dire en « version originale voice-overisée en russe ».

(Etait-ce une VHS piratée ? Une diffusion télévisée ? Je ne sais plus bien. Etrange souvenir pourtant (ça y est, c’est reparti, elle radote, te dis-tu à raison, lecteur qui me connais bien de ce blog) que cette unique voix masculine monocorde qui faisait les voix de tous les personnages du film à une allure folle, déversant son imperturbable torrent de mots de la même façon, que le personnage à doubler soit une femme fatale ou un gros bourrin. J’avais juste envie de couper le son de la voix russe (qui lisait une traduction très fidèle des dialogues, pour autant que je pouvais en juger sur les répliques pas trop argotiques ni trop compliquées), parce qu’on entendait du reste parfaitement les phrases en anglais en dessous du russe, beaucoup mieux que l’on ne perçoit habituellement la VO sous un voice-over de documentaire.)

C’est là qu’en général, mon interlocuteur fronçait les sourcils et prenait un air incrédule, se disant vraisemblablement soit « elle raconte n’importe quoi », soit « merde, chuis perdu, ça a l’air chelou son histoire de Mel Gibson russe », et passait subtilement à un autre sujet de conversation (au moyen d’une question pertinente du style « et sinon, c’est toi qui fais les voix des doublages, alors ? »).

Après être passée pour une affabulatrice ou une tordue pendant quelques années, j’ai donc sagement décidé de zapper cette histoire de pays de l’Est quand je parlais de mon métier. Tant pis. Mortifiée j’étais, mais tant pis.

Et puis des recherches hasardeuses m’ont conduite à une version piratée de Témoin à charge en VOVOR la semaine dernière et du coup, repensant à tout ça, j’ai eu envie de creuser la question (ma vie passionnante, tout ça tout ça). Eh bien au final, figure-toi que je m’interroge, lecteur prêt à tomber d’ennui de ce blog.

Parce qu’à côté de ces VOVOR surprenantes, certains films font aussi l’objet d’un vrai doublage, comme par chez nous. Alors qu’est-ce qui préside à ce choix ? Qu’est-ce qui fait qu’un film comme Heat (Michael Mann, 1995) est traité en VOVOR, alors que Les affranchis (Martin Scorsese, 1990) est adapté en doublage ?

Ou pourquoi multiplier les versions pour Certains l’aiment chaud, une doublée, une VOVORisée ?

Et que dire de Friends, diffusé en VOVOR, mais avec des voix de femmes pour VOVORiser les actrices (un truc de dingue) ?

Que dire encore de … je vous laisse regarder. Là, le « vrai doublage » s’imposait, c’est clair.

Donc je m’interroge, lecteur pas fâché d’arriver bientôt à la fin de ce billet de ce blog, je m’interroge. Et je te lance un appel, tiens, du coup : si tu as des infos sur le sujet, un article bien fichu à m’indiquer (faire des recherches efficaces sur le web russophone est au-dessus de mes compétences et de mon clavier non cyrillique), je suis intéressée.

Et bon début de semaine, hein, pendant qu’on y est.

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