Bougonneries linguistico-orwelliennes
Alors que j’étais en quête d’une citation traduite, j’ai remis la main il y a quelques jours sur À ma guise – Chroniques 1943-1947, un recueil de 80 articles rédigés par George Orwell pour l’hebdomadaire Tribune en son temps.
Trou noir, je ne me souviens pas avoir lu ce bouquin, pourtant paru il n’y a pas si longtemps que ça (en 2008), mais je constate que j’y avais corné des pages qui, je suppose, m’avaient paru intéressantes en cette ère pré-Piles (mais contemporaine du lancement d’une certaine compagnie d’assurances spécialisée dans la vente sur Internet) (y a pas à tortiller, voyons-y un hommage de Groupama à Orwell, si si, forcément) (et oui, je corne les pages, et alors ?). De fait, ce petit volume dense et éclectique comporte pas mal de râleries réflexions sur la langue – l’évolution de l’anglais, l’influence de l’américain, l’utilisation de métaphores obsolètes dans la presse, la réforme de l’orthographe, la traduction des textes marxistes, etc., et en filigrane, bien des signes annonciateurs de la novlangue de 1984. On y trouve aussi beaucoup d’autres articles intéressants sur des sujets divers (la guerre en cours, bien sûr, mais aussi le nationalisme, les rosiers, la BBC, la presse de l’époque, Jack London et les coutumes matrimoniales babyloniennes, si si), ce qui n’est que moyennement étonnant venant d’Orwell. C’est ça qui est bien avec les auteurs qu’on aime d’amoûûûr : on n’est jamais déçu, même à la relecture et même quand on ne se souvient plus de la première lecture.
Du coup je ne résiste pas à l’envie de scanner l’une de ces chroniques au titre alléchant : « La politique et la langue : les métaphores mortes et les injures mal traduites ». Ne me remercie pas, lecteur débordant de reconnaissance de ce blog, je sais que tu rêvais d’une fin de semaine orwellienne.
(Version .pdf ici, peut-être plus agréable à lire.)
À retrouver, donc, aux pages 112-116 de À ma guise – Chroniques 1943-1947, George Orwell, traduction Frédéric Cotton et Bernard Hoepffner, éditions Agone 2008. Un excellent recueil que votre blogueuse amnésique mais dévouée ne peut que vous recommander chaudement (de quoi on parlait, déjà ?).
Extraits du glossaire figurant en fin de recueil :
Daily Worker : de sa fondation en 1930 à son intégration dans le Morning Star en 1966, il fut le quotidien du parti communiste en Grande-Bretagne. Le gouvernement l’interdit pour défaitisme entre le 29 janvier 1941 et le 8 septembre 1942. En 1948, il tirait à 100 000 exemplaires. Bien qu’on pût y trouver parfois de bons articles scientifiques et des recensions de qualité, c’était aux yeux d’Orwell « davantage une feuille de propagande qu’un journal ».
Inprecor (International Press Correspondance) : publication officielle de l’Internationale communiste (Komintern) en langue anglaise entre 1922 et 1938.
Labour Monthly : mensuel théorique du parti communiste de Grande-Bretagne. Son rédacteur en chef était Rajani Palme Dutt, le principal idéologue stalinien du parti.
New Leader : euh… ah non, tiens, pas de définition.
Plebs : journal du National Council of Labour Colleges. Fondé en 1922, le NCLC avait repris l’héritage du mouvement étudiant qui, en 1906-1909 au Ruskin College d’Oxford, s’était opposé aux programmes « bourgeois » de cette université. Dirigé par une coalition de communistes et de marxistes indépendants, le NCLC fut un acteur majeur de la gauche anglaise au début des années 1920 mais était, dans les années 1940, depuis longtemps marginalisé.