Les Piles intermédiaires

Le quotidien bordélique d'une traductrice à l'assaut des idées reçues. (Et des portes ouvertes, aussi, parfois.)

Ce n’est peut-être pas ce qu’on appelle un scoop

… mais moi je ne savais pas que la mère de Patrick Modiano avait pendant quelques années été auteure de sous-titres (avant d’entamer la carrière d’actrice qui l’intéressait vraiment après la guerre). Le contexte des années 40 n’est pas réjouissant-réjouissant, mais l’écrivain évoque brièvement ce fait dans au moins deux de ses oeuvres, à 28 ans d’intervalle.

Les semaines suivantes, mon père et ma mère firent plus ample connaissance. Ils se retrouvaient souvent dans un petit restaurant russe, rue Faustin Hélie. Au début, il n’osait pas dire à ma mère qu’il était juif. Depuis son arrivée à Paris, elle travaillait au service synchronisation de la Continental, une firme de cinéma allemande installée sur les Champs-Élysées. Lui se cachait dans un manège du Bois de Boulogne, dont l’écuyer était l’un de ses amis d’enfance.

Patrick Modiano, Livret de famille, 1977.

Soirs où ma mère, dans la chambre du cinquième, lisait ou regardait par la fenêtre. En bas, la porte d’entrée faisait un bruit métallique en se refermant. C’était mon père qui revenait de ses mystérieux périples. Ils dînaient tous les deux, dans la salle à manger d’été du quatrième. Ensuite, ils passaient au salon, qui servait de bureau à mon père. Là, il fallait tirer les rideaux, à cause de la Défense passive. Ils écoutaient la radio, sans doute, et ma mère tapait à la machine, maladroitement, les sous-titres qu’elle devait remettre chaque semaine à la Continental.

Patrick Modiano, Livret de famille, 1977.

[Ma mère] était une jolie fille au cœur sec. Son fiancé lui avait offert un chow-chow mais elle ne s’occupait pas de lui et le confiait à différentes personnes, comme elle le fera plus tard avec moi. Le chow-chow s’était suicidé en se jetant par la fenêtre. Ce chien figure sur deux ou trois photos et je dois avouer qu’il me touche infiniment et que je me sens très proche de lui.

Les parents de Georges Niels, de riches hôteliers bruxellois, ne veulent pas qu’elle épouse leur fils. Elle décide de quitter la Belgique. Les Allemands ont l’intention de l’expédier dans une école de cinéma à Berlin mais un jeune officier de la Propaganda-Staffel qu’elle a connu à l’hôtel Canterbury la tire de ce mauvais pas en l’envoyant à Paris, à la maison de production Continental, dirigée par Alfred Greven.

Elle arrive à Paris en juin 1942. Greven lui fait passer un bout d’essai aux studios de Billancourt mais ce n’est pas concluant. Elle travaille au service du « doublage » à la Continental, écrivant les sous-titres néerlandais pour les films français produits par cette compagnie. Elle est l’amie d’Aurel Bischoff, l’un des adjoints de Greven.

Patrick Modiano, Un pedigree, 2005

Voili-voilou, c’était la modeste séquence « oh, comme c’est insolite » de Tatie Les piles. Rien de plus à dire sur le sujet, une simple curiosité.

Bonne semaine, mes loupiots.

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