Tics, manies et autres névroses (ép. 1)
Le traducteur est un petit être délicat. Confronté au monde hostile qui l’entoure, il a parfois des réactions étranges, compulsives, inquiétantes. Certains préfèrent parler de « déformations professionnelles » pour minimiser la chose, mais let’s face it : le traducteur professionnel est gravement atteint. Une nouvelle série de billets (on n’est plus à ça près) pour explorer les tics, manies et autres névroses de la gent traductrice.
Le traducteur, surtout s’il est spécialisé dans l’audiovisuel, est sensible à un curieux phénomène qui ne bouleverse à peu près que lui : la division des unités de sens. Ce sport, pratiqué par certains, consiste à séparer par exemple un article du nom qu’il accompagne – mais d’autres variantes sont possibles :
Chéri, où as-tu rangé le
plat à gratin ?
Chéri, où as-tu rangé le plat à
gratin ?
Chéri, où as-tu rangé
le plat à gratin ?
Ceci compromet bien sûr fortement le confort de lecture du spectateur, télé ou pas (et c’est pour ça que ça dérange le traducteur/adaptateur, hein, car celui-ci n’est pas complètement fou non plus) – mais provoque surtout chez le traducteur/adaptateur un traumatisme profond qui se manifeste dès qu’il se retrouve face à un sous-titre comme celui-ci :
Ou dans ce genre-là :
Mais ce n’est pas tout, un frisson d’effroi peut AUSSI envahir le traducteur-adaptateur dans la vie de tous les jours, lorsqu’il repère ce genre de panneau dans un ascenseur :
Ou lorsqu’il tombe sur une pub de l’Institut Pasteur qui fait des effets de mise en page mais oublie de réunir les adjectifs possessifs avec les noms correspondants (ah, Copine A., ton profil Facebook me conduit parfois vers des sites improbables) :
Ou encore quand Blogger affiche ses titres n’importe comment :
En résumé : sauvez un traducteur, réunissez les unités de sens.
Ah si ?
Ah, ce sont quatre groupes énormes ?
Vraiment ?
Ah ben pourquoi ils ne font pas gaffe, alors ?
Parce qu’ils s’en foutent et qu’ils prennent leurs clients pour des gogos ?
Ah, ben fallait le dire.
NB : les captures d’écran présentées dans ce billet vous sont proposées respectivement par Paramount Home Entertainment (Le Parrain 3), Sony Pictures Home Entertainment – TF1 Vidéo (Damages), Universal (American Gangster) et Warner Bros (Les Soprano), quatre petits artisans de l’édition DVD qui n’ont clairement pas les moyens de faire faire des sous-titres corrects ni de les faire simuler et relire par des professionnels.