Petit scarabée, méfie-toi des « résidences »
Dites, je suis en train de m’énerver toute seule derrière mon écran, alors je me dis que je pourrais aussi bien venir m’énerver ici, non ?
(Coucou, vous allez bien ?)
Soit une annonce repérée par M. sur le site du Centre franco-allemande de Provence :
(Oui, il y a des points d’exclamation partout. Non, je ne pense pas que ce soit voulu. Ça arrive, les merdouilles de copier-coller.)
À la rubrique « Prise en charge » (de l’heureux candidat retenu), on peut lire :
Sur le site/blog de l’assoce Passage & Co. qui organise la chose, on en apprend un peu plus sur les textes à traduire :
Il s’agit en l’occurrence d’ouvrages écrits en allemand par la « responsable de projet » de l’assoce (je n’ai pas très envie de coller un lien pour leur faire de la pub). Tout est normal, hein, rassurez-moi ?
Donc, récapitulons.
– Le séjour est appelé « résidence ». Ce que le ministère de la Culture et de la Communication définit comme « un lieu qui accueille un ou plusieurs artistes pour que celui-ci ou ceux-ci effectuent un travail de recherche ou de création, sans qu’il n’y ait d’obligation de résultat » (mon gras à moi). Une vraie résidence, c’est par exemple l’atelier de traduction Rarogne, en Suisse :
C’est-à-dire un acte de mécénat, qui permet à un traducteur par ailleurs rémunéré par un éditeur de travailler dans un cadre propice à la concentration. Le tout visant à booster son processus créatif (ou quelque chose dans ce goût-là) et à lui alléger un peu l’esprit en l’aidant matériellement.
– Au cours de cette « résidence », le traducteur est prié de traduire 200 pages en deux mois et de participer à diverses manifestations. Autant dire qu’il ne lui restera pas beaucoup de temps pour faire autre chose, hein. On se doute bien que des essais sur Benjamin ou Artaud, ça ne se traduit pas tout seul. 100 feuillets par mois avec sans doute moult recherches littéraires facilitées par le fonds mondialement connu de la bibliothèque municipale de Trets et quelques activités annexes à préparer, pour un jeune traducteur (public visiblement privilégié), c’est déjà un bon rythme si tant est qu’on veuille faire du boulot de qualité.
– Et pour ce travail (il faut bien l’appeler comme ça puisqu’il semble y avoir obligation de résultat), deux fois 1 300 euros de « bourse de résidence ». Soit 13 euros la page (on va dire que les animations annexes sont offertes par le candidat qui n’a que ça à faire), très, très en-dessous, en somme, des minima relevés par l’ATLF pour la traduction de l’allemand vers le français dans sa dernière enquête.
Mais pas de souci, l’assoce a l’air très contente de son offre de « résidence », dont elle fait la promo sur sa page Facebook :
Oh ben oui, dites donc, c’est le comble !
Grrrr.
(Ayé, j’ai fini de râler, je retourne hiberner.)