Les Piles intermédiaires

Le quotidien bordélique d'une traductrice à l'assaut des idées reçues. (Et des portes ouvertes, aussi, parfois.)

Il est temps de faire le ménage

J’ai donc rédigé la semaine dernière une lettre de démission pour signifier à l’Organisation mon souhait de revenir à ma vie d’indépendante au 1er janvier 2014 (effectuer ici une petite danse de joie).

J’en ai évidemment pesé chaque mot, bien que l’Organisation mette aimablement à la disposition de ses agents un modèle de lettre qui facilite le pesage. Tout de même, j’ai réfléchi à ce que j’allais y raconter, histoire que ma vénérable missive corresponde au mieux à ce non-style froid mais parfois curieusement élégant qui doit semble-t-il caractériser toute communication avec l’administration de l’Organisation et frise à certains égards l’exercice d’écriture créative.

Puis je l’ai imprimée avec amour, ma bafouille. Relue avec soin. Réimprimée parce qu’une microscopique trace grisâtre apparaissait sur le côté droit et que vraiment, ça ne se fait pas de laisser une trace grisâtre, quelque microscopique qu’elle soit, sur une lettre aussi solennelle. D’un geste franc et dynamique, je l’ai signée avec un stylo à l’encre noire bien couvrante, pas un stylo bille – oh non, trop pâlot, trop désinvolte – ni un feutre – qui n’aurait pas manqué de rendre mon auguste signature illisible par un redoutable effet buvard. Il va sans dire que j’ai attendu un peu pour la scanner, histoire d’éviter tout bavotage intempestif. Par acquit de conscience, je l’ai encore relue avant de la mettre sous enveloppe car décidément, je m’en serais voulu de laisser une coquille ou une espace en trop dans cette lettre. Je l’ai ensuite déposée délicatement dans la corbeille du courrier interne avant d’envoyer la version scannée aux destinataires désignés par la Procédure-avec-un-grand-P (c’est-à-dire mon supérieur direct et quatre personnes des RH que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam), avec un petit mot d’accompagnement aussi compassé que poli.

Mon devoir accompli, j’ai alors vaqué à mes occupations du jour le cœur léger, guettant les « bing » des accusés de réception dans ma boîte mail et faisant le compte des 176 jours qu’il me restait désormais à passer en terre grand-ducale avant d’atterrir je-ne-sais-encore-où et de renouer avec mes amours traductionnelles d’antan.

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Le lendemain, je me suis dit qu’il serait peut-être bon d’enregistrer une copie de la version scannée de la lettre sur l’ordi du boulot, pour l’avoir sous la main au cas où j’aurais besoin de la retrouver rapidement.

J’ai donc rouvert le fichier rangé dans ma Dropbox.

Et constaté qu’on distinguait très nettement un moucheron écrasé (mais centré quasi à la perfection) tout en haut de la page.

Moralité : démissionner avec classe, ce n’est pas donné à tout le monde.

J’ai quand même un tout petit peu honte, pour ne rien vous cacher.

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