Butin
Les week-ends que j’ai passés à Luxembourg se comptent pour l’instant sur les doigts d’une main (de mutilé), mais je fais beaucoup d’efforts, si si.
Ainsi, une balade courageusement entreprise au marché aux puces qui se tient souvent le samedi au centre-ville m’a permis ce week-end de me mêler à la population locale et surtout de trouver deux vieilleries marrantes sous un soleil et une chaleur que je n’imaginais pas connaître un jour ici (comme quoi, il ne faut jamais désespérer).
D’abord, un cousin du manuel de correspondance russe de Copine CG : Le français et l’italien – Méthode pratique à l’usage des Français pour apprendre l’italien, avec la prononciation accentuée, dialogues, clef des thèmes et vocabulaire.
Pas de date, mais une petite recherche m’apprend qu’il a été publié une première fois en 1890, puis a fait l’objet de deux rééditions en 1900 et 1904. L’auteur, Niccola E. Genzardi, a également signé un ouvrage au titre alléchant de The English Tourist in Italy:
A Practical and Easy Method of Learning and Speaking Italian with Correct Pronunciation que je rêve désormais de dégoter dans une brocante. Car Niccola E. Genzardi, il est carré, il est sympa et surtout, il fait la révolution dans les notes de bas de page :
En gros, outre les leçons de grammaire et de conjugaison, on trouve dans ce petit livre des listes de vocabulaires très utiles aujourd’hui…
(Mention spéciale au décrotteur, dont j’ignorais l’existence.)
… des exercices de thème surréalistes et foutraques…
… et de fantastiques dialogues au ton particulièrement naturel, dont je vous livre quelques exemples ici, avec la fin hautement rassurante d’une consultation chez le médecin…
… une conversation à la conclusion philosophique chez le coiffeur, d’intéressantes considérations pour les amateurs de chaussures (hmm ? qui m’a parlé ?) ou encore des conseils destinés à mes lecteurs marquis (comment, il n’y en a pas ?) qui auraient envie de s’offrir quelques brillants à Rome.
Bref, j’adore.
Deuxième curiosité, un « Film-Album » allemand dont la couverture bizarrement décorée a attiré mon attention.
À l’intérieur, après une page d’introduction lyrique qui rend hommage aux grandes capitales du cinéma de l’époque (« mitten im märkischen Sand in der Ufastadt Neubabelsberg, vor den Toren von Paris in Joinville, und unter dem ewig blauen Himmel Kaliforniens in Hollywood…« ) et présente cet objet comme une occasion de chérir à jamais les grands moments que nous offre le septième art, on trouve une sorte d’album Panini avant la lettre, en version luxe. C’est-à-dire qu’il s’agit d’un véritable album de photos – pages cartonnées, feuilles de protection translucides – où figurent des cases portant chacune un numéro et le nom de la star qui figure sur la vignette à se procurer et à coller :
Les quelques photos A4 de films qui figurent dans l’album, l’insistante mention « Tonfilm » (film parlant) et certains noms de « stars » aujourd’hui parfaitement oubliées notamment parce qu’elles n’ont justement pas survécu au parlant laissent à penser que cet album date du début des années 30, mais aucune date de publication n’est indiquée (on le retrouve ici, où l’année indiquée est 1933, ça se tient).
(Strafsache van Geldern, un film (parlant, donc) de 1932 (cliquer pour voir en un peu plus grand l’inscription).)
En même temps, « publication » n’est peut-être pas le bon mot. En cherchant ce qu’était cette « Haus Neuerburg » dont le nom figure sur la couverture, je m’aperçois qu’il s’agit d’un ancien fabricant de cigarettes. Un ouvrage sur l’histoire du marketing nous apprend qu’en Allemagne, les cigarettiers ont commencé dès les années 1920 à distribuer des images dans leurs paquets de clopes. Et visiblement, la marque Ramsès proposait le même genre d’albums à la même époque (celui de la photo daterait de 1934 environ, d’après le vendeur de livres anciens qui le propose sur buchfreund.de). Je m’étonne toutefois de ne pas trouver en bonne place à l’intérieur de l’album une pub vantant les mérites des produits de l’entreprise…
Bref, une curiosité qui m’a fait marrer (et un album incomplet, rempli peut-être aux 2/3 – son propriétaire aurait-il arrêté de fumer ?).
Il m’en faut peu, que voulez-vous. Avec un soleil digne de ce nom et une température qui dépasse 35°, tout de suite, mon moral remonte.
Jusqu’à demain, au moins.