Les Piles intermédiaires

Le quotidien bordélique d'une traductrice à l'assaut des idées reçues. (Et des portes ouvertes, aussi, parfois.)

Mon p’tit canar
Mot du jour (15)

Nouveau mot du jour dégoté il y a quelques semaines :

canar

Contexte : minier.

Ce n’est pas : un palmipède.

J’avais oublié.

J’avais oublié que revenir entre autres choses à la traduction technique, c’était redécouvrir certains charmes insoupçonnés du français, disons, industriel.

Redécouvrir, et parfois découvrir, tout simplement. Comme dans le cas du canar.

Le canar, je l’ai croisé… Non, reprenons au début. Au début, au commencement, dirais-je même, il y avait dans mon texte un « duct » qui permettait d’aérer une mine de charbon.

« Sapristi », me suis-je alors dit (car je vis en réalité dans les années 40), « ce ‘duct’-là, si ça se trouve, il porte un nom bien plus précis que ‘duct’ en français ». Alors j’ai cherché dans les bases de terminologie et les mémoires de traduction qui se trouvent désormais au bout de mes doigts, clic-clic-zou-je-lance-ma-recherche. C’est là qu’à contexte équivalent (minier, donc), et à phrase pas loin d’être identique, j’ai trouvé le « canar ».

Et j’ai rigolé.

Ben oui, parce que je me suis dit, haha, « ils » voulaient mettre « canal » et « ils » ont mis « canar », la bête faute de frappe, quoi.

L’espace d’un instant, j’ai imaginé les associations d’idées les plus folles (et surtout les plus évidentes) qui avaient pu traverser l’esprit du traducteur : « duct » -> « duck » -> « canard » -> « canar ». CQFD.

Puis j’ai regardé un peu plus bas dans les résultats de la recherche et j’ai vu qu’à contexte toujours équivalent, on le retrouvait finalement assez souvent, le canar. Une erreur dans les bases de données, c’était plausible. Une vingtaine, ça commençait à l’être moins.

Quelques recherches plus tard, Termium et le Journal officiel, entre autres, me confirmaient avec une belle unanimité que oui, ce mot avait l’air d’exister.

Drôle d’oiseau, tout de même, ce canar. Mais vérification faite, son étymologie est presque décevante : il a la même origine que « canal », comme nous l’apprend le TLFI (et il faudra se contenter de ça comme source, parce qu’il n’est pas très répandu dans les dictionnaires étymologiques, le canar).


Et puis surtout, c’est un mot qu’on ne croise pas beaucoup. Hors définitions techniques (succinctes), on le rencontre dans un « lexique des termes intéressants, difficiles
ou peu usités de la langue française
 » entre « canaque » et « canardière », ou encore sur le site d’un club belge d’orthographe (si si) parmi d’autres mots se terminant en -ar (« falzar » et « snack-bar » sont de la partie, bien sûr), sans parler des pages recensant des homophones.

Mais quand on y pense, c’est quand même chouette, non, un couple de paronymes en anglais qui se retrouve presque à l’identique en français ?

Bon, OK, même si c’est un truc à retenir pour un hypothétique jeu de mots à première vue intraduisible sur « duct »/ »duck », il faudra sans doute attendre un peu que le terme soit un chouia plus connu pour tenter de le caser dans un sous-titre, ce canar-là. C’est l’ambition cachée de ce billet, vous l’aurez compris.


« Duck in the duct », photo piquée ici et dont le titre peut donc allègrement être traduit par,
oui, c’est ça, « Canard dans le canar ». Haha, je ne m’en remets pas, excusez-moi.

Le lien bonus de Tatie Les Piles :

Sur l’évolution parallèle en anglais de « duck tape » et « duct tape », on peut aller lire cet article.

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