Rupture
C’est fini.
Avec D., je veux dire.
Depuis l’automne dernier, rien n’était plus comme avant. Pour être tout à fait franche, quand on s’est vus à Stuttgart en novembre, j’ai même eu la nette impression que D. me prenait pour une truffe. En tout cas, je n’ai pas retrouvé la chaleur de nos précédentes rencontres. Signe qui ne trompe pas, la traditionnelle sortie au restaurant avait été remplacée par un buffet campagnard. Mais surtout, D. ne me parlait que de process, d’automatisation et de contrôles qualité, comme si j’étais un vulgaire fabricant de boulons. Pas un mot sur la passion qui nous unissait autrefois – l’amour des mots. Puis D. m’a annoncé que les règles du jeu allaient changer, lentement mais sûrement. Qu’il allait falloir évoluer et s’adapter pour rester ensemble.
Dans un premier temps, autant le dire, je l’ai mal vécu. Pour moi, D. (anciennement D.C.) représentait beaucoup, surtout sentimentalement. C’était l’un des premiers à m’avoir fait confiance, en 2004 – on n’oublie pas ces choses-là. A l’époque, D.C. semblait avoir un certain respect pour moi – et pour toutes les autres, d’ailleurs, car je n’étais pas la seule à bénéficier de ses faveurs. Mais depuis que D.C. avait changé de nom pour devenir D., je sentais bien que je l’intéressais moins.
Alors j’ai commencé à me détacher, petit à petit. Comme pour m’habituer par avance à la séparation. Je n’avais pas encore perdu tout espoir, je l’avoue. Mais après tout, si D. se désintéressait de mon cas, je n’avais qu’à aller voir ailleurs. C’est ce que j’ai fait, sans états d’âme. J’ai même renoué avec ceux que j’avais autrefois délaissés et qui étaient maintenant susceptibles de m’apporter ce que D. ne me donnait plus.
Début avril, D. m’a fait une offre. Une proposition comme une ultime bouée de sauvetage, une dernière chance. D. s’est peut-être dit avec la voix rauque d’Al Pacino, « Ich werde ihr ein Angebot machen, das sie nicht ablehnen kann ». D. a peut-être cru que je resterais envers et contre tout pour sauver ce qu’il restait à sauver entre nous. Ou pour sauver mon compte en banque.
Mais D. a commis une erreur fatale.
D. a cru m’avoir par les sentiments en me disant : « Certes, je ne peux plus te payer ce que je te payais avant. Mais si tu travailles plus, tu verras, tu compenseras la baisse de tarif par une hausse de volume. » En entendant cet argument aussi usé que fallacieux, j’ai compris que c’était la fin. Que décidément, nous n’étions plus en phase. Que la proverbiale goutte d’eau venait de faire déborder le non moins proverbial vase. Alors hier soir, j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai écrit, ce mail de rupture.
Voilà, c’est fait, envoyé.
Plus de volant sport gainé cuir (Ledersportlenkrad), plus de ceinture de sécurité automatique 3 points (3-Punkt-Automatikgurt), plus de régulation électro-pneumatique du freinage (elektronisch-pneumatische Bremsregelung), en un mot, plus de grosses berlines allemandes (vous savez, celles dont on ne cite jamais la marque à la télévision française par peur du CSA).
Plus de bourrage de crâne sur les performances écologiques des 4×4 polluants. Plus de propagande sur les valeurs de convivialité de la « marque à l’étoile ». Plus de brochures vantant la simplicité de « l’aventure authentique en camping-car » quand ledit camping-car est encore plus suréquipé que la maison de campagne du cadre allemand moyen.
C’est fini.
Et à bien y réfléchir, ce n’est peut-être pas plus mal. Parfois, c’est bien de passer à autre chose.
Edit : j’apprends que Brad Pitt et Angelina Jolie sont désormais un couple en crise et au bord de la rupture.
C’est bon de se sentir en empathie avec Brad.